L’immersion française existe dans les écoles du Nouveau-Brunswick sous une forme ou une autre depuis des décennies. L’immersion constitue la meilleure façon d’enseigner une langue seconde à un enfant. Malheureusement, elle a été l’objet de controverses et d’un débat animé et ce, faut-il le rappeler, dans la seule province officiellement bilingue du Canada. Ce débat a malheureusement repris de plus belle avec l’annonce de l’intention du gouvernement Higgs d’abandonner l’immersion française dans nos écoles, si étonnant et drastique que cela puisse sembler.

 

À Dominic Cardy, ministre de l’Éducation, qui affirme que le gouvernement ne cherche pas à se débarrasser de l’immersion, je répondrai que mettre autant d’énergie à trouver un moyen de remplacer le système actuel, c’est chercher à se débarrasser de l’immersion. Et c’est exactement ce que le premier ministre Higgs a confirmé qu’il faisait.  D’ailleurs, le premier ministre Higgs et Kris Austin de l’Alliance des gens, un parti connu pour son opposition au bilinguisme, ont souvent affirmé publiquement que l’immersion ne fonctionne pas. Si le but de l’immersion est d’enseigner une seconde langue à un enfant, alors ils ne pourraient pas se tromper davantage.

 

Il est évident que l’immersion française dès la première année est efficace et peut fonctionner correctement, à condition qu’elle soit correctement soutenue. Le premier ministre Higgs ignore commodément les preuves qui lui ont été présentées dans un rapport détaillé produit par son propre ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance alors même qu’il était ministre au sein du gouvernement de David Alward.

 

Le rapport auquel je fais référence a été préparé par le Groupe de travail sur le français langue seconde (2012), mis en place par le gouvernement Alward et coprésidé par deux anciens ministres de l’Éducation très respectés, Elvy Robichaud et James Lockyer. Le rapport a examiné le passage controversé de l’immersion précoce de la première à la troisième année, une réforme engagée par le précédent gouvernement libéral et, plus précisément, par l’ancien ministre de l’Éducation, Kelly Lamrock.  À l’origine, M. Lamrock était déterminé à déplacer le point d’entrée en 5e année, mais il a opté pour la 3e année lorsque les parents se sont opposés vigoureusement et ont porté l’affaire devant les tribunaux.

 

Le rapport Robichaud-Lockyer comporte une analyse détaillée de la littérature scientifique sur la question. Or, pratiquement tous les experts s’accordent à dire que les preuves sont irréfutables : plus tôt on enseigne une deuxième langue à un enfant, mieux c’est. Le rapport a recommandé de rétablir le point d’entrée en première année. Cette recommandation a été ignorée par le gouvernement Alward et son cabinet mais mise en œuvre par le gouvernement Gallant en 2017.

 

Il est faux, contrairement à ce qu’affirment le premier ministre Higgs et Kris Austin, que notre système d’immersion actuel ne fonctionne pas. De nombreux élèves dont la langue principale est l’anglais sortent de nos écoles secondaires avec une bonne maîtrise de leur seconde langue. Beaucoup sont à un niveau tel qu’ils sont prêts à s’inscrire et à réussir à l’Université de Moncton ou dans d’autres universités francophones. D’autres intègrent le marché du travail en occupant des emplois exigeant le français comme langue seconde. Les résultats de l’évaluation provinciale de 2017-2018 publiés par le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance montrent que sur les 452 élèves qui ont choisi de participer à l’évaluation des compétences orales, 99,8 % atteignaient le niveau intermédiaire ou supérieur, et 87 % le niveau immédiat plus.

 

Cela ne signifie pas que le système actuel est parfait. Il existe des problèmes liés à la répartition en classes homogènes et au manque d’options d’immersion au niveau secondaire. Ceux-ci sont d’ailleurs identifiés dans le rapport Robichaud-Lockyer. Mais renforçons le programme d’immersion française pour qu’il soit plus performant et puisse donner toutes les chances à nos jeunes. Examinons les offres de cours supplémentaires au niveau secondaire, les partenariats éducatifs, l’apprentissage par l’expérience, les placements, les échanges, l’utilisation accrue de la technologie et les possibilités extrascolaires. Nous pouvons apporter des changements pour améliorer le programme d’immersion, mais ils doivent être fondés sur la recherche et sur les conseils d’experts en langues. Nous pouvons renforcer le programme d’immersion – et nous le devons, mais il ne faut pas s’en débarrasser, le remplacer ou mettre à l’essai des programmes vagues qui ne sont pas fondés sur des consultations avec des experts en langues. Ce n’est pas le changement dont nous avons besoin.

 

Nous pouvons également renforcer le programme de français de base et répondre aux préoccupations concernant le regroupement dans les classes.

 

Il reste encore beaucoup à faire pour accroître la compétence des Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises dans les deux langues officielles.

 

L’immersion fonctionne. Améliorons le système que nous avons, et ne recommençons pas à zéro. Les enseignants et enseignantes ne veulent pas qu’on leur impose de nouveaux changements, ni de nouveaux bouleversements. Laissons-les faire leur travail, mais soutenons-les. Ne faisons pas de nos élèves des cobayes des programmes linguistiques mal conçus de Dominic Cardy.

 

Bien que Kris Austin et le premier ministre Higgs soient prêts à priver nos enfants d’apprendre une seconde langue, chose que ceux-ci méritent pourtant, je demeure convaincu que cela comporte une trop grande part de risque.

 

Ils se trompent lourdement sur la question de l’abandon de l’immersion précoce.  C’est du moins ce qu’indiquent clairement les faits.

 

Kevin Vickers

Leader of the New Brunswick Liberal Party

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